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Glyphosate : qui peut encore l’utiliser en France ?

À la faveur d’un matin sans histoire, un détail change tout : sur la route ou la terre battue, certains bidons s’ouvrent sans bruit, mais la tension flotte. Le glyphosate n’est plus ce produit banal que l’on utilisait sans y penser. Désormais, chaque pulvérisation pèse son lot d’incertitudes, chaque champ traité devient le théâtre d’une nouvelle frontière réglementaire. Entre ceux qui continuent – par nécessité ou habitude – et ceux qui n’osent plus, la ligne de partage n’a rien d’évident.

Glyphosate en France : où en est-on aujourd’hui ?

Sur l’hexagone, le glyphosate demeure un sujet électrique. Depuis la décision de la Commission européenne en 2023, le renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché de cet herbicide court pour une décennie supplémentaire dans toute l’Union européenne. La France, partagée entre prudence et alignement européen, s’est pliée à ce choix, tout en durcissant la surveillance sur son sol.

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Ce paradoxe s’explique : l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) juge l’exposition actuelle sans danger majeur pour l’humain, tandis que le Centre international de recherche sur le cancer maintient son classement « cancérogène probable ». Deux visions, deux mondes qui s’affrontent jusque dans les champs. Résultat : défiance persistante chez les agriculteurs, méfiance dans l’opinion publique.

Dans les faits, seuls les professionnels disposent encore d’un accès – sous surveillance et conditions renforcées – aux produits phytopharmaceutiques à base de glyphosate. Et chaque pays, France comprise, façonne sa propre grille de restrictions : des couches de règlements qui rendent la carte du glyphosate aussi mouvante que le climat.

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  • Le cadre européen s’applique, mais la France ajoute ses propres barrières, toujours plus hautes.
  • Les règles locales évoluent, à la lumière des études scientifiques et des alertes sanitaires récurrentes.

Voilà comment la France marche sur le fil, prise entre les injonctions de Bruxelles, l’attente de la société et la réalité du travail agricole. Et à chaque nouveau rapport d’experts, la question du retrait du glyphosate refait surface, toujours brûlante, jamais tranchée.

Qui détient encore le droit d’utiliser le glyphosate ?

Depuis 2017 et la loi Labbé, le glyphosate a disparu des jardins privés et des espaces publics. Les rayons des magasins de bricolage ou de jardinage n’en proposent plus : terminé pour les amateurs, terminé pour les mairies. Le monopole est désormais réservé aux professionnels, qui seuls, peuvent encore se procurer et appliquer ces déseherbants chimiques – à condition de justifier et d’encadrer cet usage.

Trois catégories sortent du lot :

  • Agriculteurs : ils peuvent employer le glyphosate, mais pas n’importe comment. Il faut prouver la nécessité – par exemple, pour préparer le sol ou gérer les intercultures – et respecter des protocoles précis.
  • Entreprises de travaux agricoles : elles interviennent pour des tiers, sous réserve de respecter scrupuleusement le cahier des charges.
  • Gestionnaires d’infrastructures : chemins de fer, aéroports, réseaux routiers ; ces acteurs peuvent décrocher des dérogations pour des raisons de sécurité ou d’exploitation.

Mais rien n’est laissé au hasard. L’autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits au glyphosate dépend d’un contrôle serré. Les utilisateurs doivent présenter une certification à jour, consigner chaque intervention, et tenir leurs distances avec les zones sensibles. Sur le papier, la transition vers d’autres solutions figure toujours sur la liste des intentions politiques. Mais sur le terrain, rares sont ceux qui ont trouvé une alternative à la hauteur, et beaucoup continuent par défaut, faute de mieux.

Des règles strictes pour encadrer son usage

Pas question de laisser filer le glyphosate sans garde-fou en France. Chaque produit phytopharmaceutique contenant cette molécule doit décrocher une autorisation de mise sur le marché en bonne et due forme, validée à l’échelle européenne. L’EFSA passe au crible les études toxicologiques et environnementales, et toute demande de dérogation doit s’appuyer sur des preuves robustes.

Pour l’utilisateur professionnel, la liste des obligations est longue :

  • Respecter à la lettre les conditions d’usage fixées par l’AMM : doses, fréquence, types de cultures, délais avant récolte.
  • Tenir un registre d’utilisation détaillé pour chaque parcelle traitée.
  • Préserver des zones de non-traitement à proximité des habitations ou des points d’eau.

La phytopharmacovigilance veille, collectant systématiquement les signalements d’effets indésirables sur la santé humaine ou l’environnement. Les quantités utilisées, les pratiques, tout est passé au crible. Les contrôles sur le terrain, parfois inopinés, rappellent que la tolérance zéro n’est pas un simple slogan.

Les restrictions ne s’arrêtent pas là : en interculture, pour la gestion des jachères ou la préparation de certaines parcelles, les doses et les périodes d’application sont précisément bornées. L’objectif ? Contenir au maximum les risques de dispersion et de pollution, tout en laissant une marge de manœuvre à ceux qui n’ont pas trouvé mieux.

agriculteur champ

Quelles alternatives et perspectives pour les utilisateurs concernés ?

Sur le terrain, les utilisateurs du glyphosate cherchent des solutions, stimulés par le plan Écophyto et le travail de l’INRAE, qui multiplie les essais de méthodes non chimiques. Problème : toutes les alternatives n’offrent pas le même rendement, ni la même facilité d’adoption. L’efficacité varie, le coût grimpe, et chaque culture a ses propres contraintes.

  • Désherbage mécanique : bineuses, herses, outils interlignes se déploient, surtout sur céréales et grandes cultures. Mais ils demandent du temps, du carburant, et ne conviennent pas toujours à toutes les situations.
  • Couverts végétaux : semer des plantes qui concurrencent les adventices, c’est bon pour le sol et la biodiversité, mais la technique ne s’improvise pas. Il faut repenser toute la rotation des cultures.
  • Paillage organique : adopté en maraîchage ou en arboriculture, il freine la repousse des herbes indésirables et limite l’évaporation, mais reste difficile à transposer à grande échelle.

Allonger les rotations, diversifier les cultures : ces leviers permettent aussi de réduire la pression des « mauvaises herbes », mais les résultats ne tombent pas du jour au lendemain. Chaque ferme, chaque parcelle, doit trouver son propre équilibre, souvent au prix d’un apprentissage long et incertain.

La recherche avance, timidement, du côté du biocontrôle : extraits végétaux, micro-organismes, agents de lutte ciblée. Mais leur diffusion reste confidentielle, et rares sont les solutions prêtes à remplacer le glyphosate à grande échelle. Alors la même question revient, lancinante : comment garantir la rentabilité, la sécurité alimentaire et la transition écologique, sans recourir à l’arsenal chimique qui a façonné l’agriculture moderne ? Pour l’instant, personne ne détient la réponse définitive – mais chaque saison sans glyphosate réinvente le paysage, un sillon à la fois.